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TaxPage - Lorsque les échanges de prestations au sein du groupe deviennent un risque pénal

Actualités 18. septembre 2025

Introduction
Dans un arrêt récent (TF du 3 février 2025; 6B_90/2024), le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation d’un responsable financier d’une société de groupe suisse à une amende pour soustraction d'impôt anticipé commise par dol éventuel.

Que s'est-il passé?   
Concrètement, il s'agissait d'un prêt qu'une société suisse, appelons-la X AG, avait obtenu d'une société du groupe à l’étranger. À la suite d'un contrôle fiscal portant sur les années 2010 à 2012 effectué par l'administration cantonale des impôts, le taux d'intérêt de 3,15 % appliqué au prêt a été jugé excessif. En décembre 2014, l'administration cantonale des impôts a déclaré qu'un taux d'intérêt de 2,5 % était approprié, ce que X AG a accepté en janvier 2015 pour les années fiscales 2011-2016. La différence de 0,65 % a été réintégrée au bénéfice imposable en tant que charge d'intérêts excessive. En 2015, l'AFC (l’Administration fédérale des contributions) a procédé à un contrôle auprès de X AG et a constaté que les intérêts versés n'étaient en partie pas conformes aux conditions de pleine concurrence. L'AFC a alors facturé en 2016 des impôts anticipés, que la société X AG a payés. L'AFC a ensuite ouvert une procédure pour soustraction d'impôt, laquelle a donné lieu à l’arrêt précité du Tribunal fédéral.

Pourquoi la condamnation?     
Elle découle du défaut de déclaration et de notification de l’impôt anticipé sur l’intérêt excessif à l’AFC. L'impôt anticipé est un impôt auto-déclaratif. L’absence ou le retard dans la déclaration d’un avantage appréciable en argent constitue déjà une soustraction d’impôt. Il a été reproché au contrôleur qu'il aurait dû savoir, au plus tard en décembre 2014, grâce à la communication de l'administration cantonale des impôts concernant les intérêts excessifs, que des prestations soumises à l’impôt anticipé existaient et devaient être déclarées à l’AFC. La responsabilité personnelle du contrôleur a été justifiée par le fait qu'il avait pour mission de remplir la déclaration d'impôts pour X AG, de la cosigner après validation par le « Country Manager » et d'être l'interlocuteur des autorités fiscales. Le fait que le contrôleur ait toujours informé ses supérieurs n'a pas suffi à l’exonérer de sa responsabilité.

Quelles leçons en tirer ?          
Premièrement: les transactions intragroupe, qu'il s'agisse de financements, de prestations de services ou de livraisons de marchandises, doivent respecter le principe de pleine concurrence (dit «at Arm’s-Length»). Deuxièmement: la documentation est déterminante. La Conférence suisse des impôts (CSI) et l'AFC s'alignent étroitement sur les directives de l’OECD-Transfer-Pricing-Guidelines et attendent des entreprises qu'elles soient en mesure de prouver la conformité au principe de pleine concurrence. Troisièmement: la responsabilité personnelle des organes de décision ne doit pas être sous-estimée. Les responsables financiers, les directeurs financiers (CFOs) et même les membres du conseil d'administration peuvent faire l'objet de poursuites pénales s'ils manquent à leurs obligations liées à la déclaration d’avantages appréciables en argent.

Que faire?                
Lors d'un échange de prestations entre sociétés d’un même groupe, la contreprestation doit être évaluée non seulement sous l'angle fiscal, mais aussi dans le cadre de la gouvernance et de la compliance. Cela implique, par exemple, que les prêts intragroupes soient régulièrement comparés aux taux d'intérêt publiés par l'AFC. Si les conditions convenues s'écartent de celles-ci, il faut une justification économique solide qui, en cas de doute, puisse également résister à un contrôle de l'administration fiscale. De même, les facturations intragroupe  – par exemple pour les services de management, l’assistance informatique ou les redevances de licences – doivent être revues annuellement et documentées de manière transparente. Tout divergence doit être déclarée dans les délais à l'AFC. Les entreprises ont tout intérêt à définir des processus et des responsabilités internes clairs. La sécurité juridique peut être garantie dans certaines circonstances par des rulings fiscaux. Les personnes responsables devraient être sensibilisées à ce sujet par des formations et des directives internes. En effet, comme le montre cette décision, même si l'impôt dû est finalement payé, une condamnation pénale peut intervenir si la déclaration n’a pas été faite en temps utile.

Conclusion
L’arrêt démontre que les manquements formels peuvent avoir des conséquences lourdes. Pour les entreprises, cela signifie qu'elles doivent appliquer rigoureusement les principes de prix de transfert et adapter leurs systèmes de contrôle interne en conséquence. Ce n’est qu’ainsi qu’elles pourront réduire efficacement les risques fiscaux et pénaux.


Un article de Regina Schlup Guignard, Regina Schlup Guignard

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